Plongée dans les arts traditionnels japonais à Isawa Onsen (2)

Remonter le temps à la rencontre de geishas

En plus des arts martiaux, vous pouvez avoir un aperçu des arts de la danse, de la musique et du divertissement aux côtés des geishas d’Isawa Onsen. Ayant vécu à Kyôto pendant un an, j’ai eu l’occasion de voir des geishas marcher dans les ruelles de Gion et de Pontochô, ou bien se produire sur scène lors de spectacles de danse saisonniers. En revanche, j’ai eu cette fois-ci la chance de partager un moment plus « privé » et intime avec elles. Il reste à Yamanashi seulement 15 geishas, et toutes se trouvent actuellement à Isawa Onsen. Trois nous accueillent ce jour-là à l’hôtel Kikori : Chie-san, Yayoi-san et Kanami-san.  
 

L’entrée de l’hôtel Kikori

Pour commencer, nous jouons à un jeu appelé Tosenkyo, qui teste notre adresse : il s’agit de lancer un éventail en direction d’une cible placée en haut d’une boîte en bois. Lorsque nos hôtes nous ont offert une démonstration, cela avait l’air d’une simplicité enfantine, mais en vérité l’art de (bien) lancer un éventail est plus compliqué qu’il n’y paraît ! D’ailleurs, les points marqués varient en fonction de la position dans laquelle l’éventail et la cible finissent une fois à terre. Nous avons tenté notre chance chacun à notre tour, ce qui a permis à ceux d’entre nous passant à la fin d’observer longuement la subtilité du mouvement requis pour renverser la cible...

Les règles du Tosenkyo : les points marqués varient en fonction de la manière dont la cible et l’éventail se retrouvent à terre. Certaines configurations semblent relever de l’impossible...

Comment les geishas arrivent-elles à lancer leur éventail avec tant de grâce et de facilité... ?!

Nous avons pu ensuite apprécier les talents de musicienne de Kanami-san, forte de ses douze années de pratique du shamisen. Cette rencontre était l’occasion de poser toutes nos questions sur cette guitare japonaise ; j’ai été surprise d’apprendre par exemple que les trois cordes sont faites de soie, et que le corps de l’instrument est recouvert de peau de chien. Il existe par ailleurs autant de sortes de shamisen que de genres de morceaux. Jouer du shamisen implique d’avoir une bonne oreille puisque sur la partition ne figure aucune indication de rythme ; c’est en écoutant les morceaux et en les reproduisant que l’on devient capable de jouer.

Le shamisen de Kanami-san. Jouer du shamisen peut être aussi dangeureux que de manier un katana, la preuve avec ces taches de sang...

Pour finir, nous avons pu poser toutes les questions que nous nous posions sur l’univers des geishas, souvent bien mystérieux et parfois fantasmé par les observateurs occidentaux. Alors que le système des ookiya – ces établissements qui forment les geishas depuis le plus jeune âge – est en voie de disparition, il est fascinant de se trouver face à ces femmes qui se dédient entièrement à la continuation d’arts traditionnels séculaires.
 

Les éventails des geishas, à assortir en fonction de la saison

Parce que les geishas sont dévouées aux arts (les kanjis de geisha sont芸者, littéralement « art » et « personne »), leur société obéit à des règles bien définies et chaque rituel est précisément un art devant être maîtrisé à la perfection. On parle ici bien sûr des arts de la performance, mais aussi de l’art de se maquiller par exemple ; chaque session prend 30 minutes, mais on peut imaginer qu’à ses débuts une geisha prend bien plus de temps ! D’ailleurs, il existe même des professeurs spécialisés appelés kaoshi dans le quartier d’Asakusa à Tokyo, où les apprenties peuvent suivre un séminaire de trois jours pour perfectionner leur technique. La saisonalité est en outre un concept central : ainsi, le kimono et les accessoires que porte la geisha doivent être assortis à la saison du moment. Nous avons pu également entendre l’histoire personnelle de Chie-san, qui a décidé de devenir geisha à l’âge de huit ans, après avoir vu une geisha exercer ; contre le mécontentement de ses parents, en partie lié à la méconnaissance de la profession, elle a décidé de perséverer dans cette voie afin de contribuer à faire vivre les arts traditionnels. Autant d’anecdotes qui démystifient le monde des geishas et le rendent encore plus passionnant tout à la fois !

 
J’ai pu m’essayer au taiko avec un morceau traditionnel de Yamanashi, Yocchabare, aux côtés de Yayoi-san

Nous avons donc passé une journée mémorable en compagnie de ces artistes qui se dévouent à la préservation de leur héritage culturel immatériel. Ainsi, si vous passez à Isawa Onsen, n’hésitez pas à combiner vos moments de détente dans les bains à un moment privilégié avec les gardiennes des arts traditionnels japonais, et ce, à un prix beaucoup moins exhorbitant qu’à Kyôto...

Accès

Hôtel Kikori
Adresse : Yamanashi, Ville de Fuefuki, Isawa-cho, Kawanakajima 325, 406-0024
Téléphone: 055-262-3794
Depuis la station JR, accessible à 20 minutes de marche.