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Si les personnes qui s’intéressent à la culture et à l’histoire japonaises connaissent bien en général l’ère Edo (1603-1868) représentée dans de nombreuses estampes, ou l’ère Meiji (1868-1912) pendant laquelle ont eu lieu l’occidentalisation et l’industrialisation du pays, peu d’entre elles en revanche sont familières de la période Jomon (13 000 à 400 avant J.-C environ).
Musée Shakado de Fuefuki, Yamanashi
Or, la région qui inclut les départements de Nagano et Yamanashi, est l’une de celles du pays où l’on trouve le plus grand nombre d’artefacts datant de cette période de la préhistoire japonaise. Il se trouve que les poteries dites Jomon (縄: “jo” corde文: “mon” décor, motif) qui ont donné leur nom à l’ensemble de cette ère, sont parmi les plus anciennes de l’histoire de l’Humanité.
Ainsi, nous nous sommes rendus dans plusieurs musées de la région afin de découvrir la fascinante culture Jomon. Et quelle découverte ce fut!
Ce qui frappe tout d’abord quand on observe même de loin des poteries Jomon, c’est leur côté indéniablement esthétique: les lignes sont délicatement sculptées, s’entrelaçant gracieusement pour former des spirales, des flammes et d’autres motifs mystérieux.
Musée archéologique de Chino, Nagano
Lorsque l’on s’approche, on se rend vite compte cependant du manque d’ergonomie de ces poteries. En effet, si l’on essaie d’imaginer l’application pratique de ces pots et autres jarres, on a du mal à comprendre comment les Jomon s’en sortaient pour faire la cuisine...
Musée du folklore traditionnel de Minami Alps, Yamanashi
Le charme de ces objets réside alors dans l’interprétation ouverte que chacun peut faire sur les raisons qui ont poussé les Jomon à façonner leurs pots d’une manière plutôt que d’une autre. L’une qui domine parmi les différents lieux que nous avons visités est que le pot représenterait un ventre. Symboliquement, remplir ce pot prendrait alors le sens d’une prière pour l’abondance. Sur la photo ci-dessous, les bras de la figure humaine sculptée ici semble s’accrocher au pot.
Musée du folklore traditionnel de Minami Alps, Yamanashi
En parlant de ventre, la figure de la femme enceinte en particulier apparaît souvent sur les pots mais aussi sous forme de dogu, ces statuettes de la taille d’une poupée. Par exemple La Vie-chan est la mascotte du musée du folklore traditionnel de Minami Alps. Vous avez bien lu, cette petite figurine qui a donné lieu à une mascotte à taille humaine s’appelle La Vie, en français dans le texte ! De fait, si vous êtes un jour de passage au Japon vous verrez que les locaux adorent utiliser la langue française pour le nom de leurs boutiques, restaurants... et les mascottes ne font pas exception à la règle !
De telles figures en argile sont uniques dans le monde; d’ailleurs, La Vie, de par sa finesse et l’acuité avec laquelle elle représente la condition de la femme enceinte, a même été prêtée dans le cadre d’expositions à l’étranger, notamment à Paris. Le musée a conçu une réplique pour permettre au visiteur de se rendre compte de son caractère unique et de la manière dont elle représente... la vie !
Musée du folklore traditionnel de Minami Alps, Yamanashi, en compagnie de La Vie-chan (qui a remporté un prix de la mascotte la plus mignonne !)
Un autre exemple de dogu de femme enceinte au musée archéologique de Chino, Nagano
En outre, malgré l’éparpillement géographique de la population Jomon, on remarque une certaine constance dans les autres figures représentées, notamment les animaux.
On retrouve ainsi le serpent et la grenouille à de nombreuses reprises. Les histoires que nous a raconté la personne en charge au musée de la culture Idojiri, à Nagano étaient particulièrement intéressantes: comme le serpent est un animal qui mue et grandit en se débarrassant de sa peau, il pourrait représenter l’immortalité et la renaissance. La grenouille quant à elle est une entité que l’on retrouve dans certaines légendes chinoises selon lesquelles l’animal se nourrit de la lune pour grandir. Encore une fois on retrouve les idées de la renaissance et de l’existence cyclique dans les figures sculptées par les Jomon.
Image ci-contre: musée de la culture Idojiri à Fujimi (Nagano)
En lien avec cette thématique, le musée Shakado, à Fuefuki, ou encore le musée archéologique de Hokuto, nous ont expliqué que les restes des enfants morts étaient placés à l’intéreur de certaines de ces poteries, avant d’être enterrées elles-même à l’entrée des maisons. Les mères, en franchissant chaque jour le pas de leur porte, permettraient à leur enfant décédé de revenir dans leur ventre... Bien entendu, toutes ces interprétations ne sont pas univoques et laissent planer une grande part de mystère sur la spiritualité des Jomon, peut-être finalement pas si éloignée des idées que l’on peut retrouver dans certaines religions modernes.
De plus certaines figures font penser à l’esthétique du manga contemporain, ce qui m’a laissée songeuse sur la proximité artistique qui semble exister entre des hommes ayant vécu au Japon il y a plus de 5000 ans et leurs descendants...
Musée du folklore traditionnel de Minami Alps, Yamanashi
Adorables visages au musée archéologique de Hokuto, Yamanashi
Nous avons aussi visité des sites en plein air qui nous ont permis de nous représenter la vie quotidienne des Jomon. Par exemple, dans le parc de Shiseki Umenokiiseki à Hokuto, nous avons pu pénétrer dans une reconstitution de hutte et nous rassembler autour d’un feu. Nous avons même porté des vêtements de style Jomon et nous essayer à la coupe d’un tronc d’arbre avec une hache (opération qui je dois l’avouer, s’est révélée infructueuse).
Parc Shiseki Umenokiiseki à Hokuto, Yamanashi
Avec mes camarades nous avons aimé jouer le jeu de la séance photo en vêtements Jomon...
Parc Kinsei no Mura, à Hokuto, Yamanashi, où se trouvent des reconstitutions de maisons Jomon
Autre aspect de la vie quotidienne des Jomon que nous avons pu explorer : l’importance de l’obsidienne. Utilisée pour fabriquer des pointes de flèches qui leur permettaient de chasser par exemple, cette pierre noire aux reflets brillants est présente en abondance dans le département de Nagano.
Musée archéologique de Chino, Nagano
Concentration extrême au musée de l’obsidienne à Nagawa, Nagano, qui propose un atelier de taille de l’obsdienne !
Le fruit de notre labeur
Saviez-vous que Hayao Miyazaki lui-même, vénéré fondateur du studio Ghibli, est également fasciné par l’esthétique Jomon? En effet, il se trouve qu’il possède une villa dans la ville de Fujimi et s’est donc rendu à plusieurs reprises au musée de la culture Idojiri. Il y a même laissé quelques dessins que vous pouvez admirer! Malheureusement lors de notre passage nous ne l’avons pas croisé... Mais savoir que M. Miyazaki est attaché à ce point à l’histoire de cette région si proche de là où nous habitons a quelque chose de très satisfaisant!
Annexe au musée de la culture Idojiri regroupant des objets et documents historiques à Fujimi, Nagano
Je n’ai pu présenter dans cet article que les grandes lignes de cette passionnante et méconnue période de l’histoire japonaise. Si le sujet peut paraître assez aride de prime abord, rendez-vous donc dans ces musées et sur ces différents sites naturels pour voir de vos propres yeux ces objets intrigants, vous projeter plusieurs millénaires en arrière et construire votre propre interprétation. Pas de doute que vous serez aspiré par le mystérieux et magnifique univers Jomon !
De nombreux lieux à Yamanashi et Nagano permettent une découverte extensive de la culture Jomon, parmi lesquels:
A Yamanashi:
- Le musée archéologique de Kofu 甲府市県立考古学博物館où vous pouvez voir des restes de tombes
- Le village Kinsei no Mura à Hokuto, 北杜市金生遺跡、et le park Shiseki Umenokiiseki梅ノ木遺 où se trouvent des reconstitutions de maisons Jomon
- Le musée archéologique de Hokuto 北杜市考古資料館
- Le musée du folklore traditionnel de Minami-Alps 南アルプス市文化伝承館
- Le musée Shakado de Fuefuki 笛吹市釈迦堂遺跡博物館qui propose un audioguide en anglais.
A Nagano:
- Le musée de l’obsidienne 黒曜石体験ミュージアムà Nagawa, où vous pouvez vous essayer à la taille de l’obsidienne comme un vrai Jomon!
- Le site de Toshikuso-toge 星糞峠黒曜石原産地遺跡, également à Nagawa, où après une demi-heure de marche dans les montagnes vous avez accès au berceau de l’obsdienne, où les Jomon venaient s’approvisionner
- Le musée archéologique de Nagano茅野市尖石縄文考古館 à Chino
- Le musée de la culture Idojiri à Fujimi (井戸尻考古館) qui propose une interprétation peu conventionnelle des artefacts Jomon, en se focalisant notamment sur leur vocation spirituelle
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